Revenons brièvement dans le temps pour établir le contexte dans lequel les Romanov arrivent au pouvoir en Russie et la situation en Estonie avant la domination de cette dynastie entre 1710 et 1917.
La fin de la Livonie
Invasions russes entre 1570 et 1577 |
Le Grand-Maitre de l'Ordre livonien demande alors l'aide de la République des Deux Nations (Pologne et Lituanie) pour combattre les Russes alors que les bourgeois d'Estonie se tournent vers la Suède. C'est la traité de Vilnius de 1561 qui parachèvera l’éclatement de la Livonie: la région de Tallinn devient suédoise alors que le sud de la Livonie est rattaché a la Pologne-Lituanie.
La Suède devient la principale puissance dans la région en récupérant l'évêché de Saare-Lääne aux Danois. Ce territoire ainsi agrandi portera le nom d'Estonie jusqu'en 1917. Les quelques incursions russes en territoire suédois échouent systématiquement devant Tallinn (sièges en 1570 et 1577). L’armée russe sera définitivement repoussée par le Général Pontus de la Gardie (mercenaire né en France au service de la Suède). Les Russes sont chassés et la défaite d' Ivan le Terrible est reconnue par le traité de Täyssinä en 1595.
Сму́та (Smuta) - le temps des troubles
A la mort d'Ivan IV, en 1584, la Moscovie entre dans une période de troubles (smuta en russe). En effet, son fils, Fédor Ier, étant légèrement attarde est incapable de gouverner. A sa mort en 1598, il n'a pas d’héritier et la dynastie des Rourikides s’éteint avec lui après plus de 700 ans de domination Rus'. S'ensuit une crise politique qui amènera les Polonais a occuper le Kremlin de Moscou. Les raids Tatars, les brigands et surtout la famine de 1601-1603 auront fait perdre a la Russie le tiers de sa population!
Bataille de Moscou
Kusma Minin, un marchant de Nizhny Novgorod, forma alors la Seconde Armée de Volontaires a l'aide de fonds donnes par la guilde des marchants de la ville. Il recrute le Prince Dmitry Pozharsky, un Boyard proche du trône pour mener l’armée.
Moscou est libérée en Novembre 1612 et il est alors clair que le pays a besoin de retrouver de la stabilité. Le Zemski Sobor (assemblée de Boyards) décide alors d’élire en 1613 Michel Romanov en tant que Tsar, alors âgé de 16 ans seulement. Il est le petit-neveu d'Anastasia Romanovna Zakharine qui fut la première femme d'Ivan le Terrible et donc connecte par mariage aux Rourikides (la précédente dynastie).
L’avènement des Romanov
Et l'Estonie dans tout ça? L’ère suédoise
L'ascension au trône de Michel Ier donnera un grand bol d'air a la Russie mais aussi a l'Estonie, alors territoire Suédois, en signant le traité de Stolbovo en 1617.
Le tsar a bien compris que son pays a besoin de se reconstruire et met fin aux guerres contre la Suède en concédant les provinces d'Ingrie et de Kexholm, ainsi que la forteresse de Nöteborg. Il renonce a toute prétention sur l'Estonie et paie une indemnité de guerre. En contrepartie, Gustave II Adolphe rend Novgorod, Staraïa Ladoga, Gdov et reconnaît Michel comme tsar de Russie.
La Suédé confirme son hégémonie dans la région en battant la République des Deux Nation (traités de paix d'Oliware (1660) et de Kärde avec la Russie (1661)).
La Grande Guerre du Nord va tout chambouler (1700-1721)
L'ascension au trône en de Pierre I (future ''Grand'') va changer les choses puisque celui-ci a 2 ambitions. Tout d'abord, laver l’affront de la perte de l'Ingrie et avant tout moderniser la Russie et l'ouvrir sur l'Europe.
Son voyage en Occident s’achève en 1698 lorsqu'il doit rentrer précipitamment pour écraser une tentative de coup d'Etat. Il s'attèle alors a réaliser son rêve de créer une grand Russie. Pour cela, il lui faut absolument un port sur les cotes de la Baltique.
Profitant d'une Suède affaiblie dans les pays baltes, il se rapproche de la République des Deux Nations en signant une Alliance et la Grand Guerre du Nord éclate en Février 1700.
Les premières incursions de l'Alliance, au sud par les troupes polono-lituaniennes jusqu’à Riga, et a l'est a Narva, se soldent par des défaites cinglantes.
Pierre Ier qui pensait obtenir une victoire relativement aisée face a un jeune roi (18 ans en 1700) et une vaste supériorité numérique (38 000 Russes contre seulement 8 000 Suédois) se voit infliger une sévère défaite a Narva et ne peut constater que l'amateurisme de ses troupes face a une armée professionnelle.
Mais au lieu de poursuivre vers la Russie, Charles XII, qui fait face a deux fronts, décide de s'enfoncer en Pologne. Ceci permet aux troupes russes d'occuper l'Ingrie, puis de pénétrer en Livonie et en Estonie en 1701 puis 1702 - le gros de l’armée suédoise étant alors en train de batailler en Pologne.
Pierre le Grand n'attend pas et lance la construction de la nouvelle capitale de son Empire, Saint-Petersbourg en 1703.
Apres avoir vaincu a l'ouest, la Suède se retourne contre la Russie mais elle est défaite en Ukraine, a Poltava en 1709, permettant aux Russes de parachever leur conquête des bords de la Baltique en 1710.
Le conflit prend fin suite a la mort de Charles XII avec le Traite de Nystad qui entérine l'annexion de la Livonie et de l'Estonie par la Russie.
Une nouvelle puissance régionale, l'Empire Russe (1721-1917)
L'Europe en 1740 |
Alors qu'une bonne partie de leurs terres avaient été confisquées sous l'occupation suédoise, la noblesse germanophone d'Estonie et de Livonie accueille favorablement le changement de dirigeant: la Russie va leur restituer les terres confisquées des 1710. Par la suite, ces régions fourniront bon nombre de serviteurs de rang élevé aux tsars successifs.
Peu de bouleversements auront lieu. Le pouvoir russe traite des affaires militaires, des douanes et des impôts. Le reste de l'administration de ces régions est entre les mains des barons baltes. La langue administrative est l'allemand. Le siècle et demi suivant la fin de la guerre est une ère relativement statique. C'est l'age d'or des élites germanophones et du servage.
Kopeck de 1801, 0.28g |
Une des reformes majeures entreprises par Pierre le Grand fut la reforme du système monétaire. En effet, a la fin du 17e siècle, les pièces en circulation étaient majoritairement des pièces en argent minuscules (kopecks d'a peine 1 centimètre de diamètre) qui nécessitait un ''compteur'' pour une transaction majeure. Ayant voyagé a travers l'Europe, Pierre suit l'exemple des puissances occidentales.
Le pilier de cette reforme est la creation d'une piece a valeur comparable a celle du Thaler, qui fut un peu l'Euro avant l'heure. Il s'agissait de pièces en argent de poids comparable (entre 28 et 32g) qui facilitaient ainsi les échanges.
Pierre le Grand ordonne ainsi en 1704 la frappe d'un rouble (1 rouble = 100 kopecks) en argent de 28g (0.99 oz) dont la valeur sera égale a 100 nouveaux kopecks en cuivre. La circulation simultanée des deux métaux restaure la confiance dans le cuivre.
Le Rouble russe devient ainsi la première monnaie décimale au monde et pose les bases d'une tendance en Europe et dans le monde. Un système décimal sera introduit aux Etats-Unis en 1792 et en 1795 en France.
Le premier rouble frappé a Moscou selon les normes de poids européennes est qualifié de rouble ''Thaler'' puisque les Thaler provenant de l'ouest ont souvent été utilisés comme matière première pour frapper les roubles russes.
Rouble de 1704 |
Pierre le Grand a Tallinn
Cependant, a la more du tsar en 1725, Catherine ne montre que peu d’intérêt pour cette propriété. Les monarques suivant ne prêteront que peu d'attention au palais avec seulement quelques visites sporadiques de la part d'Elizabeth et de Catherine II.
Le grand hall avec les initiales de Catherine et son décor stucco survivront mais le reste sera largement revisité lors des rénovations drastiques ordonnées par Nicolas Ier en 1827-1830 et qui donnent au palais son aspect actuel.
Maison de Pierre le Grand
Juste derrière le palais se trouve une maison aujourd'hui baptisée de Pierre le Grand. Cette maison était simplement utilisée par le couple Impérial pour se loger lors de leurs visites a Tallinn durant la construction du Palais. Ce petit musée est devenue plus premier de Tallinn. Il a ouvert en 1806 sous les ordres d'Alexandre Ier.
Cependant, l’indépendance de l'Estonie en 1918 aura pour conséquence de supprimer les traces de l'occupant russe et la statue sera déplacée a proximité de la maison de Pierre Ier (voir ci-dessus) a Kadriorg en Avril 1922 avant d’être finalement utilisée pour fabriquer des pièces de monnaie.
Début de l'Eveil national
Toutefois, cette politique réformiste va s’arrêter brutalement suite a l'assassinat d'Alexandre II a Saint-Petersbourg en mars 1881. Son successeur, Alexandre III, va adopter une vision bien plus conservatrice et veut renforcer la présence russe, notamment en Estonie qui compte 57% de non-Russes (1897). Il ne reconduit pas les privilèges des barons baltes et le Russe est désormais la langue officielle de l'administration, de la justice et sur l'ensemble du cursus scolaire.
Les fonctionnaires germanophones sont remplaces par des russophones et on tente, souvent en vain, de convertir les locaux a l'Orthodoxie. C'est dans ce contexte que la Cathédrale Alexandre Nevski est construite en plein Toompea en 1895 et inaugurée en 1900.
Les fonctionnaires germanophones sont remplaces par des russophones et on tente, souvent en vain, de convertir les locaux a l'Orthodoxie. C'est dans ce contexte que la Cathédrale Alexandre Nevski est construite en plein Toompea en 1895 et inaugurée en 1900.
C'est sous Nicolas II que le projet, qui avait été retardé, aboutit. Une demi-surprise puisque sous son règne, pas moins de 7576 églises et chapelles et 211 monastères ont été construits, c'est a dire plus que le total depuis deux siècles.
La politique de russification d'intensifie donc et après deux siècles de domination les germanophones sont écartés. Ceci va paradoxalement renforcer le sentiment national estonien et notamment la position de la langue estonienne qui devient la langue des Estoniens cultivés.
Les figures du mouvent nationaliste, notamment Jaan Tõnisson, ne demandent et n'envisagent pas l’indépendance mais revendiquent la reconnaissance de leur existence en tant que peuple.
La défaite de la Russie dans la guerre qui l'oppose au Japon sera le déclencheur de la révolte de 1905 dans un contexte de crise économique et sociale. Le célèbre Dimanche rouge (9 janvier) de Saint-Petersbourg aura son écho a Tallinn, dans des proportions moindres.
Des mouvements de grève et des manifestations demandent une reforme agraire et une reconnaissance de la langue estonienne - sans évoquer l’indépendance. Le 16 Octobre, l'anarchie règne a Tallinn et l’armée ouvre le feu sur un rassemblement pourtant autorisé et fait entre 28 et 95 morts.
Cependant, des 1905, Nicolas II qui a réaffirmé son intention d’être un tsar autocrate (et qui va conduire a sa perte), va instaurer la loi martiale dans les pays baltes en Décembre 1905 et fait arrêter de nombreux représentants des partis nationalistes et socialistes. Konstantin Päts doit s'exiler en Suisse puis en Finlande alors qu;il est condamné a mort dans l'Empire russe.
Les violences reprennent de plus belle et les troupes militaire doivent intervenir violemment: plus de 300 exécutions en Estonie, 686 condamnations à mort et de nombreuses déportations en Sibérie. Les positions politiques se radicalisent.
Les violences reprennent de plus belle et les troupes militaire doivent intervenir violemment: plus de 300 exécutions en Estonie, 686 condamnations à mort et de nombreuses déportations en Sibérie. Les positions politiques se radicalisent.
Croissance économique et démographique
Malgré ces troubles, l’économie prospère et la population croit. Tallinn double de taille entre 1897 et 1913 pour atteindre 116 000 habitants. Des industries lourdes s'installent et la capitale estonienne devient en 1912 le port d'attache de la flotte russe de la Baltique.
Une classe ouvrière se forme et compte environ 50 000 personnes a Tallinn (41% des emplois) et Narva (33%). Les paysans possèdent désormais plus de terres (58%) que les grands propriétaires terriens.