15 octobre 2010

Sofi Oksanen: un succès qui suscite la jalousie!

Estonie-Tallinn

Le succès rencontré par "Purge", le roman de Sofi Oksanen, semble susciter la jalousie de certains "intellectuels" estoniens.

Avant de continuer et pour en savoir plus sur l'auteur ou le roman:
- Purge reçoit le Prix Roman Fnac
- Sofi Oksanen, on en parle beaucoup!

Alors que Purge s'impose comme un des romans incontournables de la rentrée et qu'il est passionnément adoré par la critique en France (c'est la 1e fois qu'un roman étranger se voit attribuer le Prix Roman Fnac) et dans le nord de l'Europe.

Les prix pleuvent sur ce roman (équivalent du prix Goncourt en Finlande en 2008 ; 2 prestigieux prix littéraires finlandais, le Finlandia et le Runeberg ; Nordic Council Literature Prize) comme les critiques semblent s'abattre sur Sofi Oksanen depuis son propre pays maternel, l'Estonie.

Le succès de la finlandaise au "sang mêlé" ne semble donc pas plaire à tout le monde. Certains intellectuels estoniens redoutent que le livre ne nuise à l'image de la république balte.

Critiques légitimes? Jalousie?
(source: bibliobs)
En contant les humiliations subies par deux générations de femmes, Sofi Oksanen, née d'une mère estonienne et d'un père finlandais, retrace la cruelle histoire de l'Estonie entre 1940 et 1990, occupée successivement par l'Allemagne et l'URSS. Et fait resurgir de traumatisants souvenirs.

A en croire le « Helsingin Sanomat », tout le monde en Estonie n'est pas prêt à supporter ce douloureux travail de mémoire. Le quotidien finlandais cite ainsi un article du journal estonien « Eesti Päevaleht », dans lequel la journaliste Piret Tali révèle sa crainte que l'image de l'Estonie véhiculée par « Purge » soit considérée à l'étranger comme la réalité historique :
« L'opinion internationale pourrait croire que les Estoniens considèrent ''Purge'', et ses nombreuses scènes de meurtres et de viols, comme le livre qui pourra panser les plaies de notre âme et témoigner de la réalité de l'histoire estonienne. »
Comparant le roman à la presse à scandale, qui fait de la violence son fonds de commerce, la journaliste estime que l'Estonie est devenue un « réservoir à thèmes » pour les écrivains étrangers qui y puisent des sujets comme la dépression, la pauvreté, la violence, et regrette que d'autres textes sur les horreurs des années 40 et 50, écrits par des auteurs estoniens comme Vivii Luik, Leelo Tungal et Ene Mihkelson, n'aient pas suscités un intérêt semblable, qui aurait permis aux gens de les comparer à « Purge ».
Le « Helsingin Sanomat » remarque en outre que certaines voix allant dans le sens de Piret Tali commencent à s'élever en Estonie, à commencer par le célèbre écrivain Jaan Kaplinski.
Ce dernier estimait récemment dans son blog que « la vie en Estonie soviétique ne se résumait pas à une histoire d'horreur» (voir l'article en anglais).

Ajout personnel: son article précise que "sa seule mais très sérieuse objection est que le livre prétend être une histoire réaliste contant la vie durant l'Estonie soviétique durant la seconde moitié du 20e siècle et que cela a largement été accepté en Europe et aux Etats-Unis...."

Allez donc sur le site de la Fnac et vous remarquerez que le livre est classé dans "roman" et que ce mot est cité plus d'une dizaine de fois sur la page, extrait: "Sofi Oksanen s’empare de l’Histoire pour bâtir une tragédie familiale envoûtante. Haletant comme un film d’Hitchcock, son roman pose plusieurs questions passionnantes : peut-on vivre dans un pays occupé sans se compromettre ? Quel jugement peut-on porter sur ces trahisons ou actes de collaboration une fois disparu le poids de la contrainte ?"

On nous parle de roman bien sûr, de "s'emparer de l'Histoire", de "bâtir une tragiédie", de Hitchcock (historien bien connu...:o). Bref, une histoire romancée pour des questions bien réelles, voilà très certainement le but de Purge. Et cela semble étonnant que ces "intellectuels" en soient restés au premier degré, n'aient pas réussi à gratter et voir ce qui se cachait sous la couverture de l'Histoire.


Même son de cloche chez le reporter Mart Ummelas, qui regrette que ceux qui évoquent l'histoire estonienne ne montrent que les aspects les plus noirs de la période soviétique. On croirait entendre Berlusconi reprochant à Roberto Saviano de donner une mauvaise image de l'Italie avec « Gomorra » 


Ces réactions ont de quoi surprendre. Piret Tali semble souffrir d'un complexe d'infériorité qui tend même vers la paranoïa au détour de certaines phrases :
« Ce sont des romans comme celui de Sofi Oksanen qui expliquent pourquoi, à bord des ferries finlandais et sur les pistes de danse des hôtels, les Estoniennes se considèrent toujours comme les putes de l'Est. »
Mais il est plus troublant encore de constater la retenue d'un Kaplinski face au témoignage sans complaisance de « Purge ». Certains intellectuels estoniens de l'ancienne génération ne seraient-ils pas prêts à faire le pénible travail de mémoire commencé par la jeune Sofi Oksanen?

Pour mémoire, Sofi Oksanen avait été élue personnalité de l'année 2009 en Estonie par le quotidien Postimees.


Purge de Sofi Oksanen 
Purge de Sofi Oksanen

Les Vaches de Staline de Sofi Oksanen
Les Vaches de Staline de Sofi Oksanen

Quand les Colombes Disparurent de Sofi Oksanen
Quand les Colombes Disparurent de Sofi Oksanen