23 décembre 2009

Narva - les jeunes mettent une claque au "professionnel"

Estonie-Tallinn
Le nouvel opus de notre Tintin reporter vient de paraître. Après être passé par Riga, il rebrousse chemin pour aller s'attaquer à Narva - la cité russophone en terres estoniennes!

Un défi énorme à relever que moi-même je n'ai jamais vraiment osé aborder de peur de choquer et faire trop de généralités.

Je vous conseille à ce propos de lire ce très bon carnet de route réalisé par Anthony Hernandez et Willy Le Devin publié sur le blog qu'ils ont créé pour leur mémoire de fin d'études afin de valider leur Master professionnel de journalisme: Carnet de route à Narva

Vous découvrirez alors toute la complexité de la situation des habitants de Narva et des villes frontalières avec la Russie. Un problème que n'a pas su cerner notre journaliste "professionnel" François Hauter dans son papier intitulé, L'Estonie et le grand méchant loup édenté, regroupant encore un paquet de clichés ahurissants et d'une subjectivité débordante.


envoyé par notre-estonie.


Narva ou le procès de la Russie

En effet, cet article censé traiter de Narva et donc de la situation complexe de la minorité russophone en Estonie se transforme rapidement en un procès contre les habitants de Narva et (je cite) "leur fatalisme, leur mépris pour les autres cultures, leur passivité agressive vis-à-vis de tout changement, [qui] les encalminent dans leur cité hideuse. Ils profitent sans vergogne du confort matériel apporté par l'Estonie, et se lamentent d'avoir besoin de visas pour aller rendre visite à leurs cousins, de l'autre côté de la rivière."

L'article commence une nouvelle fois par de la haute couture journalistique inintéressante et totalement hors-sujet. Monsieur Hauter nous fait part d'une vieille histoire datant de l'avant seconde guerre mondiale afin de la rapprocher avec la situation de Narva et Ivangorod... pathétique!

Il continue à nous ennuyer avec de la poudre aux yeux sur une série de "nations de l'«entre-deux» qui doit bien entendu inclure un avis tranché et très contestable sur le passage américain en Afghanistan, victime d'un complot Sino-russe...

Bref, tout ça pour enfin en arriver à Narva et au seul paragraphe intéressant, vraisemblablement tiré de Wikipédia (la ressemblance est bouleversante) qui aurait fait une excellente introduction à l'analyse de ce qui trame dans cette ville frontalière.

Mais non, on nous raconte que Narva est au bord du naufrage du seul fait des Russes qui "profitent sans vergogne du confort matériel apporté par l'Estonie". Au passage, il comment une nouvelle fois une grossière erreur en annonçant qu'ils "se lamentent d'avoir besoin de visas pour aller rendre visite à leurs cousins, de l'autre côté de la rivière" puisqu'une d'une part ils sont de plus en plus nombreux à posséder un passeport russe (c'est la région dans le monde qui totalise le plus grand nombre de nouveaux russes).

D'autre part "s'ils se lamentent", c'est que depuis l'indépendance en 1991, le passeport qui leur a été remis ne leur permet pas d'obtenir la nationalité estonienne directement mais ne leur permet pas non plus de traverser la frontière russe librement (voir vidéo à la fin). Ajoutez à cela des restrictions toujours plus importantes (quotas de biens rapportés de Russie, conditions...) et François aurait peut être compris la "passivité agressive" des locaux.

De passage à Narva, aborder le problème du passeport gris, ces citoyens du monde qui ne sont "rien" puisqu'ils ne sont citoyens d'aucun pays, me semble indispensable.

La suite se passe de commentaires puisque de la situation de Narva, il fait le bilan de la Russie! Comment oser comparer la situation d'un grand pays et celle d'une ville à majorité russophone implanté dans un pays où rien n'est fait pour faciliter leur intégration.

Comment ne pas mentionner alors le taux de chômage bien plus élevé que la moyenne estonienne, les industries vieillissantes, l'immobilisme du gouvernement estonien ainsi que sa mauvaise volonté. Les Russes ne sont bien sûr pas exempts de tout reproche mais les accabler comme vient de le faire François Hauter n'est pas digne d'un journaliste.

Il aurait été sage de constater qu'il leur manque tout simplement les moyens de s'intégrer mais pour cela il faut parler aux gens sans les agresser ni leur donner des leçons comme il le fait avec cette pauvre Galina qu'il insulte à volonté (elle est comique, cette femme, avec sa permanente couleur foin et sa mauvaise foi) et qu'il "[quittera] froidement".

Les jeunes étudiants de "Notre Estonie" plus humbles, ouverts et avides de connaissances auront eu le mérite de surpasser M. Hauter et son journalisme prétentieux et donneur de leçons; une très mauvaise recette en Estonie!

En voilà un défaut que notre journaliste n'aura pas constaté chez les Estoniens, le manque d'ouverture et de recul sur leur propre histoire.