Du 2 Mars 2009 au 21 Février 2010, L'ambassade d'Estonie à Paris expose "De Retour à Paris" de Toomas Kalve.
Pour visiter l'exposition, contacter au préalable le service culturel de l'ambassade par téléphone au 01 56 62 22 00 ou par email @ estonie[@]mfa.ee
Toomas Kalve est un des plus célèbres artistes photographes estoniens.
Vahur Puik, photographe, ancien directeur de l’Institut Estonien en France:
Il est permis d’imaginer que les plaques de verre utilisées par Toomas Kalve à Paris vers la fin du mois de Mai 2008 furent les dernières parmi les négatifs préparés en Janvier 1940 dans les ateliers Crumière, Risson et Cie à Flaviac dont l’émulsion put voir et enregistrer la lumière qui lui parvenait à travers un objectif photographique.
Lorsqu’une pleine caisse de produits photographiques qui, d’après l’étiquette, auraient dû être utilisés avant avril 1941, émergèrent au début des années 1990 d’un grenier des faubourgs de Tallinn, Toomas Kalve était déjà connu en tant que photographe utilisant d’anciennes chambres photographiques de grand format et des optiques datant du siècle où la photographie avait été inventée. Des 24 boîtes qui avaient traversé toute l’occupation soviétique dans leur cachette, il ne lui en restait au printemps dernier que 3, contenant chacune 12 plaques. Au fil des années, Toomas Kalve avait utilisé avec bonheur toutes les autres pour ses natures mortes, ses nus et ses mises en scène photographiques.
Sur ces dernières plaques de verre qui revenaient finalement en France, le photographe qui se rendait à Paris pour la première fois avait décidé de fixer les repères emblématiques de la géographie parisienne : l’Arc-de-Triomphe, la tour Eiffel ou encore Notre-Dame. Toomas Kalve, dont on rappellera ici que l’autoportrait tient une place importante dans son œuvre, en a profité pour jouer avec le schéma comportemental du touriste typique, disposant auprès de ces motifs célèbres non pas sa propre personne mais, plus ou moins visible, sa bicyclette, ornée du sigle « EST », qu’il avait transportée jusqu’à Paris. Cette mise en scène de la bicyclette dans le rôle de « moi et le monument » est particulièrement manifeste sur la photo de Notre-Dame, où l’engin sert également d’ancrage déictique, maintenant l’image dans le présent et interdisant au spectateur de soupçonner l’artiste de fausse historicité ou de sentimentalisme. Les clichés (aux deux sens du terme) de Kalve sont plutôt pimentés par une espièglerie ironique.
Les optiques anciennes, l’émulsion dont la sensibilité a diminué avec l’âge sont pour Toomas Kalve des outils, qui au fil des longues durées d’exposition distillent le temps et le tempo pressé de la grande ville, ne laissant subsister, sur la vue de l’Arc-de-Triomphe en pleine journée, qu’un car de police et un lecteur de journal assis sur un banc. À côté de la trace d’un Paris hors du temps – ponts, monuments, fontaines, carrefours de Montmartre –, Kalve a photographié trois contemporains : Monsieur Lefranc, sur l’île Saint-Louis, qui vent du fromage dans sa boutique depuis plus de quarante ans, le patron du magasin « Le Grand Format », boulevard Beaumarchais – un confrère – et un dormeur solitaire dans le jardin du Luxembourg.
Les photos du Paris personnel de Kalve constituent un groupe à part. Chargée maintenant d’une valeur historique, voici la petite impasse où se situe le bottier Berluti et, dans cette rue, une cour intérieure sur laquelle s’ouvrent les fenêtres de l’appartement qui a abrité pendant sept ans le bureau solitaire de l’Institut estonien et où, appuyées contre les murs et le manteau de cheminée, ces plaques de verre ont séché après avoir été développées ; l’immeuble de l’ambassade d’Estonie ; le 20 rue Bachaumont, qui est l’adresse que l’on peut lire sur les étiquettes des boîtes de négatifs – l’adresse de Crumière, Risson et Cie.
Les plaques au destin mouvementé sont retournées en Estonie après avoir été impressionnées et développées. Là, sur ces images déjà porteuses de plusieurs niveaux de signification et de style, Toomas Kalve, qui dirige le laboratoire photographique de l’École supérieure des Beaux-arts de Tartu, a ajouté dans l’esprit de l’époque des plaques de verre une couche supplémentaire, en coloriant à la main les tirages contact sur papier baryté préalablement teintés en sépia, avant de les placer enfin dans des cadres qu’il avait lui-même confectionnés. Les photographies reviennent maintenant à Paris sous la forme d’une exposition, qui restera accrochée un an à l’ambassade d’Estonie.
Plus d'informations sur le site de l'ambassade d'Estonie en France