Et oui, c'est sûrement un des seuls pays en Europe -et peut-être même dans le monde?- qui arrive à dépenser de l'argent pour quelque chose d'inutile et s'opposant à la liberté des entreprises d'agir selon leur propres choix. L'inspection des langues a pour but de faire régner la langue estonienne et de contrôler que vos employés entrant en contact avec vos clients parlent correctement la langue officielle. En effet, seul l'Estonien est langue officielle, le Russe ne l'est pas malgré une large «minorité russe».
Rappel des dernières affaires
• la première à laquelle mon amie Estonienne a été directement confrontée. Employée en tant que responsable du premier magasin d'une entreprise allemande arrivant à Tallinn, elle voit débarquer un beau jour cette fameuse brigade. Entourée d'Allemands et d'Allemandes venus spécialement pour l'ouverture du magasin et pour combler le manque de main d'oeuvre estonienne le temps du recrutement, elle reçoit un avertissement. Un détail important est que l'inspectrice en question est venue sur dénonciation d'une cliente un peu stupide... En effet, tous les Allemands présents faisaient leur maximum pour être polis et serviables (contrairement à de nombreux employés estoniens!) et utiliser le peu d'anglais que certains connaissaient. Après tout, n'est-ce pas le problème du magasin s'il perd des clients à cause des compétences linguistiques de ses employés? Je comprends bien le pourquoi et les fondements de cette inspection mais encore faut-il prendre en compte les difficultés locales à trouver des employés compétents, serviables... exemple: lors du recrutement, moins de la moitié des candidats ont montré le bout de leur nez à l'entretien. Parmi ceux-là, 1/3 ne se souvenait plus pour quelle entreprise ou quel poste il avait candidaté, un autre tiers n'était tout simplement pas intéressé ou pas intéressant (ne parlant pas estonien par exemple) et le dernier tiers était acceptable.• Le deuxième cas vient juste de voir le jour. L'inspection s'attaque aujhourd'jui à la chaîne de supermarchés discount Lettone Maxima, célèbre pour ses nombreuses employées russophones. Trouver des caissières en Estonie n'est pas chose simple et les Estoniens devraient spammer cette brigade stupide en leur signalant qu'ils préfèrent avoir une caissière russe (qui de toute façon ne vous adresse pas la parole) plutôt que de faire la queue une heure à chaque fois qu'ils vont faire leurs courses.
Un problème culturel?
Mais au final, la question est la suivante: pourquoi avoir créé cette «brigade»? L'Estonie a-t-elle un problèmes avec sa langue? La réponse est OUI!L'Estonie est non seulement un petit pays mais n'a pas une «culture forte» et surtout très méconnue. Leur seul vrai repère montrant leur appartenance à une communauté -cf pyramide des besoins de Maslow- est leur langue. Cette langue très étrange pour les Européens de l'Ouest est d'origine finno-ougrienne ou ouralienne dont elle partage les racines avec son proche voisin finlandais mais aussi avec le hongrois. Cet attachement trouve aussi son origine dans l'histoire du pays. Les Estoniens ont presque toujours été sous domination étrangère (Polonais, Allemands, Suèdois, Danois, Russes) et leur langue et culture plus ou moins réprimées. C'est également le symbole de leur libération, le biais par lequel ils ont acquis leur indépendance face à l'oppresseur soviétique; notamment grâce aux chants estoniens. Mais finalement cela montre avant tout la volonté de rejeter tout se qui se rapproche de la Russie et qui pourrait rappeler l'épisode soviétique douloureux. Le fait de ne pas accepter le russe comme seconde langue officielle malgré 25% de Russes habitant en Estonie montre véritablement la volonté du gouvernement d'isoler cette communauté.
Cela est bien malheureux car on trouve ici l'explication de tous les maux en Estonie: chômage et isolement de cette minorité russe dans des ghettos, taux de chômage plus élevé, rejet de leur part de l'Estonie, conflits avec la Russie...
Dans un sens, cela peut se comprendre quand on connaît l'histoire de ce pays et notamment ce qui s'est passé sous l'occupation soviétique: déportations, répressions... Une histoire douloureuse et si proche que beaucoup de familles ont toujours sur le coeur la disparition d'un de leur proches!
Malheureusement, le temps passe et il semble que les politiques n'ont pas la volonté de changer les choses et de reprendre une certaine collaboration avec un voisin si proche – comme la France et l'Allemagne l'ont fait après la 2nde guerre mondiale afin de créer ce qui sera la future Union européenne. Et ceci au détriment de l'économie en premier lieu mais aussi du dialogue social et de la stabilité du pays. Les émeutes d'Avril 2007 pour un prétexte de statue en sont la preuve...